CORNWALL, Ontario – suite… d’une histoire à raconter du mercredi 9 janvier 2019
Un bon ami me disait que le grand bonheur c’est une série de petits bonheurs juxtaposés. Mes années à Sainte-Croix sont porteuses d’innombrables petits bonheurs. Cette histoire n’est pas unique. Certes, c’est une histoire vécue et plusieurs d’entre vous ont eu le privilège de vivre des expériences semblables. La vie est parfois imprévisible et inexplicable, par contre, pour réussir, j’ai eu l’audace, comme vous, d’accepter et de relever à ma façon les défis.
Mon séjour obligatoire et mémorable au jardin d’enfants à l’école primaire
Sainte-Croix fut tout de même sans incident majeur. Je me suis conformé aux roulements journaliers des activités de la classe. Toutefois, j’ai un souvenir qui vient me toucher tout particulièrement.
Je devais m’asseoir sur le numéro cinq qui était intercalé dans les tuiles sur le plancher. Je ne peux pas vous dire pourquoi ce numéro me saute à l’esprit, mais j’étais assurément bien placé. Je pouvais voir le pupitre de l’enseignante et la porte d’entrée de la classe à ma gauche, le comptoir au fond de la classe directement devant moi et les grandes fenêtres à ma droite. J’avais une place stratégique, une place clé pour m’introduire au merveilleux monde de la distraction. C’est à ce moment dans ma vie d’élève que j’ai commencé à manquer d’attention aux choses dont j’aurais dû normalement m’occuper. Par conséquent, les commentaires élogieux de mon enseignante comme « Gilles manque d’attention », « Gilles est souvent distrait », « Gilles peut faire mieux » se retrouvaient dans la section
« commentaires » de mes bulletins. Soyez assurés que les remarques comme
« Gilles était gentil, attentionné et ne dérangeait pas les autres » ne se retrouvaient pas dans aucun de mes bulletins, certainement pas au jardin!
Pendant que soeur « M » enseignait, je regardais par la fenêtre qui faisait face au sud. Je voyais la nouvelle construction du presbytère et de l’église Sainte-Croix en silhouette sur un ciel clair et je passais de nombreuses minutes à suivre le contour des formes géométriques de cette structure complexe qui me fascinait.
Pour ce qui est de la sieste, pas de sieste pour Gilles. Ma place pour le repos bien mérité, pour la majorité de mes copines et copains de classe, était à proximité de la porte d’entrée de la salle de classe. Je m’étendais sur ma couverture mince qui couvrait à peine l’espace nécessaire pour me donner un minimum de confort et ne masquait aucunement les propriétés dures du plancher. C’était pour moi une activité ennuyeuse. Tout de même, c’était une place exceptionnelle. Entre le bas de la porte et le plancher se trouvait un espace d’au moins trois centimètres. Par cette ouverture étroite entrait un courant d’air constant qui portait des odeurs subtiles, des odeurs d’école. L’école Sainte-Croix possédait un bouquet bien particulier. Un cocktail de cire à plancher, d’huile à vadrouille, de désinfectant et de chaussures bien usées. Aussi, cet espace par excellence me permettait de voir des jeux de lumière intéressants créés par ceux qui passaient de l’autre côté de la porte et d’entendre des sons inintelligibles, des voix lointaines et des pas rapides d’enfants autres que moi. À l’occasion, j’avais le petit bonheur de jouer aux pichenottes. Je roulais en petites boules n’importe quoi à ma disposition, des bouts de papier de construction, des morceaux de colle sèche et des petites mottes de terre, pour les envoyer sous la porte avec un coup de doigt bien placé. La classe était sombre et tout se passait à l’insu de soeur « M ».
De temps à autre, je levais la tête pour tourner mon regard d’investigateur sur ce qui se passait autour de moi. Je crois que soeur « M » aimait beaucoup ce temps de la journée, car sur sa chaise, dans un coin de la classe, elle demeurait immobile et paisible. À ma gauche, j’enviais mes amis de classe qui sommeillaient doucement.
La sieste du matin était enfin terminée. L’enseignante avait demandé aux élèves d’aller, d’une façon ordonnée, ranger les couvertures et ensuite s’asseoir sur son numéro assigné. Étant près de la porte j’entendis des sons inhabituels qui flottaient vers moi et qui s’infiltraient par ses fissures. Après quelques moments d’attention et de raisonnement, j’ai réalisé que le son, qui se rapprochait peu à peu, ressemblait mystérieusement au cliqua-clan-qua-taing de verre contre verre et verre contre métal. Ce bruit agréable m’était connu. Il ressemblait beaucoup au son de Monsieur Deschamps notre laitier.
Tout à coup, à ma grande surprise, le bruit cessa et des cognements firent vibrer la porte de notre classe. Soeur « M », un sourire aux lèvres, s’empressa d’aller ouvrir la porte pour accueillir les visiteurs étrangers. M. Rosaire Léger un enseignant, un homme grand et imposant, accompagné de Michel Varin un élève de 3e ou 4e année sont entrés. (Je ne connaissais pas les noms de ces personnes à l’époque.)
En voyant Monsieur Léger se diriger vers le comptoir avec ce qu’il portait au bout du bras par une poignée et le bruit cliqua-clan-qua-taing mes yeux se sont ouverts grands comme jamais, grands au point de les perdre. Monsieur Léger, que je n’oublierai jamais, portait un panier rectangulaire en métal exactement comme celui de Monsieur Deschamps. Ce qui était pour moi à ce moment, d’une valeur inestimable, c’était le contenu du panier. Ce dernier, composé de bandes de métal argenté, contenait de nombreuses petites bouteilles remplies de jus de pommes! Des mini bouteilles de lait remplies de jus de pommes? J’étais au ciel!
J’aurais pu applaudir, mais je me suis maîtrisé.
Pendant quelques minutes, soeur « M », avec l’aide de Michel et de Monsieur Léger, distribua à chaque élève de la classe une petite bouteille au contenu doré!
Assis à ma place, sur le plancher dur, je dégustais lentement ce régal tout en appréciant la gentillesse de soeur « M », de Monsieur Léger et de Michel.
Oupsss! Je savais que ce petit bonheur était trop beau pour durer … j’ai commencé à avoir envie!
Retrouvailles école primaire Ste-Croix 2019 Class Reunion
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