Voici une lettre ouverte du Centre de santé communautaire de l’Estrie.
Le secteur de la santé communautaire en Ontario est le pilier des soins de santé. Il est essentiel et offre des soins continus et complets qui favorisent la prévention et la gestion de l’état de santé au quotidien, pour des millions de personnes de la province. Qu’il s’agisse de soins primaires, de soutien aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendances, de soins à domicile ou de soins de longue durée, il veille à ce que les Ontariennes et Ontariens reçoivent les soins appropriés au bon endroit.
Cette approche proactive permet aux personnes de rester plus longtemps en bonne santé en leur permettant d’accéder plus rapidement au diagnostic et au traitement, tout en réduisant la pression et le nombre de visites aux services d’urgence des hôpitaux et des cliniques sans rendez‑vous. Cependant, malgré son rôle crucial, le secteur est confronté à une crise qui menace les soins sur lesquels comptent les personnes en Ontario et en particulier dans les régions rurales de l’Est ontarien.
Le gouvernement ontarien s’est engagé à verser 546 millions de dollars sur trois ans pour améliorer l’accès aux soins primaires. Cet investissement permettra à environ 600 000 personnes de recevoir des soins primaires grâce à l’agrandissement et à la création de nouvelles équipes de soins interprofessionnelles dans toute la province. Malgré cette annonce encourageante pour le système de la santé ontarien, les travailleurs actuels du secteur de la santé communautaire en Ontario ne sont pas rémunérés de façon équitable par rapport à leurs collègues d’autres milieux de la santé, dont les hôpitaux et les écoles.
La nouvelle campagne ” Pour nous. Pour vous. ” lancée par dix associations provinciales représentant le secteur de la santé communautaire de l’Ontario vise à sensibiliser le grand public face à l’écart salarial grandissant qui touche ce secteur. Plus de 200 000 membres du personnel infirmier, diététistes, préposés aux services de soutien à la personne, travailleurs sociaux et autres travailleurs de la province, sont nettement moins rémunérés que leurs homologues qui effectuent un travail similaire dans les hôpitaux et les écoles, malgré le travail difficile qu’ils accomplissent quotidiennement.
L’écart salarial s’élève aujourd’hui à plus de 2 milliards de dollars, et les conséquences sont graves. À la recherche d’un meilleur salaire, des travailleurs quittent leur emploi dans le secteur de la santé communautaire rendant l’accès aux soins de plus en plus difficile pour les patients.
Pour le Centre de santé communautaire de l’Estrie (CSCE), ces écarts salariaux ajoutent au défi supplémentaire du recrutement et de la rétention de la main-d’oeuvre qualifiée francophone. Plusieurs membres du personnel ont quitté notre organisation pour travailler, entre autres, dans le milieu hospitalier, où les salaires sont compétitifs et régulièrement ajustés au coût de la vie qui lui ne cesse d’augmenter.
Les écarts salariaux disproportionnés entre les milieux hospitaliers et communautaires créent une iniquité marquante dans le système de santé. Et cette iniquité crée présentement une pression additionnelle sur l’ensemble du système de santé ontarien, qui éprouve déjà de sérieuses difficultés. Comme cet écart salarial augmente, le CSCE est confronté à des difficultés croissantes dans l’offre et l’accès à des soins de santé dans un temps opportun.
Étant chef de file en santé dans l’Est ontarien, le CSCE continue malgré tout d’offrir des services de santé de haute qualité en milieu rural tout en participant activement aux initiatives locales et régionales afin d’améliorer le bien-être et la santé de nos communautés. Si aucune action concrète n’est entreprise rapidement pour rendre les salaires de notre personnel, et ceux du secteur communautaire en général, plus compétitifs et équitables, le CSCE risque de s’enfoncer davantage dans cette crise et ne plus être en mesure de jouer pleinement son rôle dans le système de santé local.
Les travailleurs en santé communautaire sont dévoués et se soucient profondément de leurs patients et de leurs clients. Cependant, leur rémunération ne leur permet tout simplement pas de faire face au coût de la vie, alors même qu’ils accomplissent un travail identique ou similaire à celui de leurs collègues d’autres secteurs du système de santé.
Le secteur de la santé communautaire est au service de certaines des populations les plus vulnérables de l’Ontario : les aînés, les patients atteints de maladies chroniques, les personnes en situation de handicap, en situation d’itinérance, vivant en milieu rural ou vivant sous le seuil de la pauvreté et ceux qui rencontrent des obstacles à l’accès aux soins. Ces populations comptent sur ces travailleurs pour gérer leur santé, vivre de façon autonome et recevoir les bons soins au bon endroit.
Le gouvernement de l’Ontario doit prendre des mesures immédiates et décisives pour combler cet écart salarial et garantir l’avenir des soins de santé communautaire et des patients dans la province. Sinon, nous assisterons à une réduction des services, à une augmentation des temps d’attente et à un engorgement encore plus important de nos urgences et de nos hôpitaux.
En comblant l’écart salarial, le secteur de la santé communautaire sera plus fort et plus résilient, et il sera là pour nous tous, aujourd’hui et à l’avenir.
François Bazinet
Président du Conseil d’administration du CSCE
Marc Bisson
Directeur général du CSCE